Par Guillaume Defossé


En juillet 2020, la Chambre des représentants de Belgique a décidé de mettre sur pied une commission spéciale chargée d’examiner l’état indépendant du Congo (1885-1908) et le passé colonial de la Belgique au Congo (1908-1960), au Rwanda et au Burundi (1919-1962), ses conséquences et les suites qu’il convient d’y réserver. Il s’agissait de faire la lumière sur le passé colonial de la Belgique, de pouvoir faire face à notre Histoire et de déterminer les responsabilités des institutions dans ce qu’a été le système colonial.

Après deux ans de commission, un premier rapport de 10 experts sur l’état des lieux de la connaissance scientifique en la matière, 300 experts et victimes auditionnés, une délégation en mission au Congo, Rwanda et Burundi, un deuxième rapport de trois experts résumant les constats issus des auditions et des débats politiques entre les parlementaires, la Commission n’a malheureusement pas pu aboutir à l’adoption de recommandations suite au départ volontaire des parlementaires du MR, de l’Open VLD et du CD&V au moment du vote. En l’absence de quorum, la commission s’est terminée sans adoption de recommandations. Nous n’avons pu dès lors que constater qu’il n’y avait pas de volonté de la part de ces partis d’avancer sur une question pourtant si essentielle et qui marque encore profondément nos rapports avec les pays anciennement colonisés et avec les personnes afro-descendantes en Belgique. La propagande coloniale imprègne en effet toujours notre imaginaire et a un effet dévastateur pour le vivre ensemble dans notre société.

 

Depuis la fin de la commission le 31 décembre 2022, trois des quatre rapporteurs de la commission, Benoit Piedboeuf pour le MR, Annick Ponthier pour le Vlaams Belang et Thomas Roggeman pour la NVA refusent de donner leur accord pour la publication du compte-rendu. Ils souhaitent en effet supprimer des parties entières de débats qui ne leur conviennent pas, en particulier, les recommandations proposées par le Président de la commission et le compte-rendu des discussions politiques à leur sujet. Outre le mépris affiché pour les personnes qui se sont investies dans cette commission (les experts, les témoins, etc), c’est évidemment un grave scandale démocratique et une situation sans précédent. Il est en effet essentiel que nos travaux parlementaires soient accessibles au public, aux chercheurs, aux associations et à toutes celles et ceux qui s’intéressent à cette question. C’est également un scandale en termes de bonne gouvernance. Cette commission a eu un coût, justifié sur le plan démocratique. Il serait inconcevable d’imaginer qu’il ne ressorte absolument rien de ces heures de réunions.

Malgré mes appels répétés à la Présidente du Parlement, Eliane Tillieux, pour qu’elle prenne ses responsabilités en tant que garante de la démocratie et de la transparence des débats dans notre institution, je ne peux que constater qu’il n’en est toujours rien plus d’un an après la fin de la commission. Et le temps presse puisqu’il sera définitivement impossible de publier ce rapport quand la législature sera terminée.

A ce jour (janvier 2024), sur le site de la Chambre, une partie des documents et les vidéos des réunions sont en ligne. C’est évidemment insuffisant pour n’importe quelle personne qui veut faire des recherches sur les propos des uns ou des autres. Il se verrait en effet obligé de se repasser des heures de vidéo pour trouver l’extrait qui les intéresse. Par ailleurs, rien ne garantit que ces vidéos ne seront pas perdues avec le temps (évolutions techniques les rendant obsolètes, mise à jour du
site, etc).

Comme parlementaire, les services du parlement nous ont envoyé une épreuve du rapport complet pour approbation. Aujourd’hui, ce document n’est pas approuvé et ne peut donc pas être considéré comme officiel. Les intervenants n’ont pas pu faire corriger éventuellement la retranscription de leurs propos. Mais je fais le choix aujourd’hui de rendre néanmoins public ce qui s’apparente à la version le plus fidèle existante à ce jour du travail de la commission. C’est mon devoir comme parlementaire, comme militant de la démocratie et de la transparence et comme défenseur d’une société apaisée qui n’a pas peur de faire face à son passé pour mieux appréhender l’avenir.

J’ai ainsi fourni aux bibliothèques de Sciences humaines et d’Histoire un exemplaire papier qui pourra ainsi entrer dans leur répertoire pour aider la recherche scientifique en la matière. Cette publication est donc une initiative personnelle qui n’exonère évidemment en rien les rapporteurs de leurs obligations démocratiques. C’est surtout un message à leur attention : ils n’arriveront pas à cacher le contenu de ce rapport. Il est donc préférable pour eux qu’ils lèvent ce blocage et cessent de porter atteinte à nos institutions. Pour que le combat continue, il faut que la pression soit maximale. Et nous la maintiendrons.

 

Guillaume Defossé